Il suffit d’une seconde pour comprendre combien la composition actuelle du CSM est inique : parmi les 14 membres magistrats du CSM, 8 (dont les 2 plus hauts magistrats de France membres de droit) sont issus d’une hiérarchie représentant quelques centaines de magistrats, et 6 sont élus par une « base » représentant plus de 8000 magistrats.
Pire encore, le mode de scrutin actuel favorise mathématiquement le fait majoritaire et fausse la représentativité du CSM. Pour les collèges composés des chefs de cour et de juridiction d’abord, puisqu’ils élisent chacun leur représentant au scrutin uninominal, ne laissant aucune chance à la représentation de la minorité. Mais aussi pour les collèges rassemblant les magistrats de « base », pour plusieurs raisons :
le scrutin indirect et l’éclatement des collèges par cour d’appel induisent un effet majoritaire. En effet, les ressorts qui élisent entre 1 et 3 grands électeurs – ce qui exclut nécessairement les voix minoritaires – sont nombreux : ainsi, dans un ressort où il n’y a qu’un seul grand électeur, les 49 % qui voteraient pour un syndicat minoritaire ne seraient pas du tout représentés puisque le grand électeur serait celui du syndicat ayant recueilli 51 % des voix ;
la double condition de présentation d’une liste de candidats complète et composée de magistrats ayant 5 ans d’ancienneté au moins rend difficile la représentation des syndicats minoritaires et prive les « jeunes » magistrats, qui représentent pourtant plus de 20 % du corps, de la possibilité d’être grands électeurs.
Résultat : la composition du CSM ne reflète absolument pas la diversité du corps. Au delà de l’intérêt de notre organisation, est- il acceptable qu’un syndicat recevant près de 30 % des voix aux élections professionnelles soit à ce point sous-représenté ?
Le rapport du comité des états généraux dirigé par Jean-Marc Sauvé, qui a pourtant une conception minimaliste de la révolution
judiciaire, propose comme le SM l’élection des représentants magistrats au CSM par un unique scrutin de liste national avec une
répartition des sièges à la proportionnelle et au plus fort reste.
Il se dit toutefois « attaché à ce qu’une part significative d’entre eux émane de la hiérarchie ». Mais faut-il nécessairement avoir été chef
de juridiction ou de cour d’appel pour apprécier les qualités des candidats à de telles fonctions ? Cela ne risque-t-il pas de contribuer
à la filiarisation des chefs de juridiction, de plus en plus éloignés de la complexité de nos métiers ?
Encore et toujours, le SM défend la place des personnalités extérieures au sein du CSM. Car oui, défendre l’indépendance de la justice, c’est aussi se prémunir de l’entre-soi et du jeu de réseaux qui empoisonne les nominations.
Promouvoir un CSM majoritairement composé de magistrats va à l’encontre des intérêts de la démocratie, de la justice, et de la magistrature. Une telle réforme alimenterait la critique d’une institution corporatiste et affaiblirait la légitimité démocratique du CSM, ce qui serait particulièrement dommageable dans un contexte social et politique de remise en cause fréquente de la légitimité démocratique de l’autorité judiciaire.
Au contraire, le SM est convaincu de l’atout pour l’institution que représentent des parcours professionnels variés, des visions plurielles et des regards extérieurs issus de la société civile.
C’est pourquoi nous sommes favorables à une majorité de personnalités extérieures au sein du CSM pour les nominations et à une composition égalitaire pour la formation disciplinaire, système consacré par la réforme constitutionnelle de 2008.
Pour autant, pour que la légitimité du CSM soit complète, encore faut-il que le mode de désignation de ces personnalités éloigne tout soupçon d’allégeance au pouvoir politique.
Or, depuis 2008, 6 des 8 membres « laïcs » sont désignés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale après avis de la commission des lois concernée pour les nominations relevant du président du Sénat et de l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas suffisant pour garantir leur indépendance.
A deux reprises, des projets de réforme constitutionnelle visant à renforcer les garanties d’indépendance entourant ces désignations ont avorté. Le projet présenté en 2013 était pourtant intéressant, puisqu’il prévoyait le remplacer le mode de désignation actuel par des désignations par un collège plus représentatif de la société civile – incluant par exemple le Défenseur des droits et un professeur des universités. La validation de la liste ainsi désignée pourrait ensuite se faire à la majorité des 3/5èmes des commissions parlementaires.
Dans son rapport, le comité Sauvé envisage de renforcer le nombre de personnalités extérieures au CSM. Sans s’opposer à cette éventualité, le SM considère que la condition préalable indispensable est la modification du mode de désignation actuel, faute de quoi la critique du corporatisme du CSM serait remplacée par un soupçon de logique partisane. Le comité semble d’ailleurs tout à fait souscrire à cette analyse, en proposant une désignation des personnalités qualifiées par une procédure spéciale, par exemple une majorité qualifiée des commissions des lois des deux assemblées.
A rebours des préconisations du rapport et conformément au projet de réforme constitutionnelle de 2013, le SM souhaite aller plus loin : il est favorable à une présidence unique des compositions du CSM, exercée par l’une des personnalités extérieures, élue par les membres du CSM.