Le système électoral qui prévaut au sein du CSM est structurellement favorable au syndicat majoritaire et lui permet d’obtenir aisément la quasi-totalité des postes, et notamment ceux réservés à la hiérarchie judiciaire, lui donnant une influence décisive sur les carrières et les orientations du CSM.
Les magistrats doivent pouvoir compter sur le pluralisme qui, seul, permet d’éviter au CSM d’être le siège d’une logique de réseaux.
À l’heure du bilan des états généraux de la justice, lancés dans un contexte de mobilisation forte des magistrats contre les atteintes portées par l’exécutif à l’indépendance de la justice, ces élections revêtent une particulière importance, la présence au sein du CSM de membres attentifs au discours porté dans le cadre de la tribune des 3000 et de la manifestation du 15 décembre 2021 et à la lutte contre la politique gestionnaire revêtant un enjeu essentiel eu égard aux attributions du CSM.
Elles sont également l’occasion pour vous, au-delà des enjeux propres au scrutin, de défendre le pluralisme syndical, qui assure la richesse des débats et la transparence, tant dans cette instance déterminante pour la magistrature qu’à l’extérieur.
Le Conseil supérieur de la magistrature sortant compte un seul élu issu des listes soutenues par le Syndicat de la magistrature au sein de la formation compétente pour le siège.
Au gré des mises en cause de l’institution judiciaire et de son insuffisante protection par un garde des Sceaux mis en examen devant la CJR, notre élu s’est attaché à défendre fermement l’indépendance de la justice, la transparence de l’action du CSM et les droits des magistrats.
Il s’est engagé à porter nos idées et défendre vos droits au sein d’un CSM aux pouvoirs limités, dans un contexte (habituel) de sur-représentation de la hiérarchie judiciaire et de résistances de la chancellerie.
L’absence de membre issu des listes soutenues par le SM au sein de la formation parquet, fruit d’un mode de scrutin inique, est un frein majeur au pluralisme du CSM : elle ne permet pas aux autres membres du Conseil, et notamment aux membres communs, de percevoir les enjeux propres à telle ou telle nomination avec une acuité suffisante.
Seule une réforme constitutionnelle ambitieuse allant au-delà des propositions du rapport Sauvé – dont les conclusions reprennent déjà en grande partie nos revendications – permettrait à un CSM rénové de garantir pleinement l’indépendance de la justice face au pouvoir politique et à la hiérarchie judiciaire.
Le SM se mobilise pour que cette réforme advienne véritablement et, dans l’attente, pour qu’évoluent les garanties statutaires des magistrats dans le sens d’une meilleure protection de leur indépendance, de leurs droits et de l’équité dans le processus de nomination.
Alors qu’elles devraient être fondées sur des critères exclusivement professionnels, trop de nominations répondent encore à des logiques obscures et inégalitaires. Pour plus de transparence, notre élu au siège a obtenu depuis 2015, malgré l’opposition de certains membres magistrats, que les décisions d’avis non conformes soient motivées et adressées au magistrat concerné. Vos représentants devront néanmoins encore se battre pour que ces motivations soient davantage développées, tout en respectant la confidentialité du dossier des autres candidats.
Dans la même perspective et de manière inédite, le CSM a adressé, sous l’impulsion de notre précédent élu au siège, un courrier à un magistrat observant pour lui indiquer que ses arguments avaient conduit le CSM à rendre des avis non-conformes, le mettant en mesure de le faire valoir auprès de la DSJ, cette pratique étant désormais inscrite dans le rapport d’activité 2021 du CSM.
Nos élus successifs depuis 2015 ont soutenu que des auditions des candidats à certains postes relevant du pouvoir de proposition du garde des Sceaux devaient être réalisées par le CSM. Cette pratique a été appliquée aux postes de premiers présidents de chambre, et, dans la formation parquet, étendue à ceux de premier avocat général.
En 2019, notre élu siège a soutenu l’élargissement du cadre des auditions des observants à toutes les situations permettant ainsi un travail d’analyse critique et approfondi des candidatures présentées.
Nos élus ont soutenu que le nombre de postes susceptibles de faire l’objet d’un « profilage » devait être déterminé de façon précise et limitée, afin d’éviter la formation d’une magistrature à deux vitesses et permettre aux magistrats qui se définissent comme généralistes d’accomplir une carrière honorable. Par ailleurs, l’application des règles et exceptions est parfois illisible pour les magistrats en juridiction, dans un contexte où la DSJ envisage de multiplier les profilages de postes.
Notre élu s’est aussi attaché à lutter contre les biais du « off » qui, faute de contradictoire, préjudicie parfois énormément aux magistrats concernés.
De la même façon, nos élus successifs ont tenté de faire émerger une réflexion sur le déport en matière de nominations. Néanmoins, le combat doit se poursuivre : si la création d’un groupe de travail a été acceptée par l’ancienne présidente de la formation du siège, il n’a jamais trouvé à se réunir.
Notre élu s’est en outre prononcé en faveur d’un schéma de contrôle par le CSM des « contrats de mobilité » négociés par la DSJ, tout en en défendant une conception beaucoup plus ambitieuse que celle qui a finalement été retenue.
Il a enfin soutenu la mise en œuvre d’un nouveau mode d’examen des transparences par le CSM, lui permettant de consacrer plus de temps aux dossiers posant de réelles difficultés, sans valider systématiquement les propositions de la DSJ : le nombre d’avis non-conforme avait, en effet, drastiquement diminué, donnant de fait tout pouvoir au ministère de la Justice.
Nos élus successifs n’ont cessé d’encourager l’accès des femmes aux postes de la hiérarchie. Ils ont lutté pour la prise en compte des causes de leur moindre mobilité, et dénoncé une conception trop filiarisée de la carrière des chefs de juridiction, qui leur impose, de facto, de le devenir entre 30 et 40 ans, soit à un âge où de nombreuses femmes peuvent consacrer du temps à l’éducation de leurs enfants.
Face à des membres dont une majorité refuse de regarder cette réalité en face, préférant se réfugier dans un discours égalitaire de façade, nos élus ont milité pour que les impératifs de parité, dans un contexte où les femmes sont désormais majoritaires dans toutes les tranches d’âge, triomphent enfin de façon concrète.
Poursuivant l’action du Syndicat de la magistrature au sein des différentes missions et groupes de travail institués sur les questions d’évaluation, notamment au sein de la commission Canivet, notre élu a soutenu l’évaluation à 360 degrés des chefs de cour et de juridiction, permettant de mieux détecter les problèmes de comportement, de gestion et de communication. Ce travail a fini par porter ses fruits, le Conseil s’étant finalement positionné en faveur de cette évolution, conduisant le garde des Sceaux à proposer en septembre 2022 la mise en œuvre d’une expérimentation.
Dans le cadre de la révision du recueil des obligations déontologiques, nos élus se sont battus pour que les devoirs de réserve, de loyauté et d’impartialité ne soient pas interprétés de manière à restreindre l’ouverture des magistrats sur la société et leur liberté d’expression dans et hors les tribunaux ; néanmoins, nous avons été conduits à exprimer de fortes critiques sur ce recueil, notamment en ce qu’il tend à rapprocher les obligations déontologiques engageant la responsabilité des magistrats aux « bonnes pratiques ».
Notre élu s’est efforcé de pousser un CSM parfois très réticent à multiplier ses prises de position publiques lorsque l’indépendance de la justice était en cause, notamment à la suite du déclenchement de l’enquête administrative à l’encontre de trois magistrats du parquet national financier, après la mise en cause de juges d’instruction financiers lors de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, ou encore à la suite des propos tenus par le garde des Sceaux à l’Assemblée nationale 14 janvier 2021 au sujet du CSM.
Toutes ces avancées – encore insuffisantes et perfectibles – sont le fruit d’un CSM qui a tiré profit de la contradiction portée en son sein par nos élus.
Le Syndicat de la magistrature combat depuis toujours et avec constance l’insuffisance des moyens, la dégradation du service public et le maintien de l’institution judiciaire dans un état de pauvreté qui ne cesse de l’affaiblir.
Le SM interpelle régulièrement le CSM sur ce volet, tant d’un point de vue global qu’au sujet de juridictions en particulier, grâce à vos retours et à l’action de nos délégués régionaux. Ainsi, à l’occasion de ses déplacements réguliers en juridictions, le CSM entend désormais plus finement la question des conditions de travail et de la souffrance au travail, ce qui a contribué à renforcer son rôle dans l’élaboration des transparences et la veille déontologique.
Les magistrats ne peuvent en effet porter seuls la responsabilité du bon fonctionnement de l’institution, sans prise en considération des failles de fonctionnement de celle-ci ou relevant de l’organisation des services et des juridictions.
Ainsi, en suite de nos observations et de l’initiative de nos élus, le CSM a préconisé que les évaluations comportent davantage d’éléments de « contextualisation », afin que les conditions de travail dans lesquelles le magistrat exerce soient mieux prises en compte.
La loi organique du 8 août 2016 a consacré le droit syndical des magistrats, au terme d’une longue évolution, dont la création du SM a été l’acte initial. Elle a également introduit des délais de prescription en matière disciplinaire.
À l’initiative de nos élus, le CSM a obtenu l’introduction dans la loi organique d’une assistance dans le cadre de la procédure disciplinaire applicable devant les chefs de juridiction et que les décisions de non-lieu disciplinaire ne figurent plus automatiquement au dossier du magistrat.
L’inspection générale de la justice (IGJ) accepte désormais que les magistrats soient assistés lors de l’enquête administrative, à la suite d’annulations d’auditions obtenues par le SM devant le CSM. Les principes du procès équitable sont cependant loin d’être intégralement respectés, mais nous poursuivons ce combat, notamment lorsque nous assistons les collègues.
Le SM a soutenu la création par le CSM en 2016 du service d’aide et de veille déontologique (SAVD), permanence anonyme pour les magistrats. Le SM a porté la nécessité d’établir un processus de prise en charge complet au titre de la protection fonctionnelle comprenant notamment une parole publique en cas d’attaques de la justice, demande relayée par le CSM dans son avis du 24 septembre 2021 au Président de la République et dans son dernier rapport d’activité.
Face au vide juridique réduisant les magistrats à l’impuissance pour faire remonter les problématiques auxquelles ils sont confrontés, notamment à l’égard de la hiérarchie lorsqu’elle est à l’origine de la souffrance au travail, le SM interpelle régulièrement le CSM en l’informant de la situation et des évolutions des juridictions concernées,
Le SM a souligné l’importance de favoriser des pratiques permettant d’inscrire la réflexion sur la déontologie dans la pratique quotidienne du magistrat, telle l’intervision, le CSM y souscrivant dans son avis au président de la République sur la responsabilité des magistrats.
Huit personnalités extérieures et quatorze magistrats composent le CSM et siègent de manière différenciée dans les formations en matière de nomination et de discipline des magistrats du parquet et du siège. La CEDH impose une parité en ce qui concerne l’instance de discipline, exigence respectée par la composition actuelle de la formation idoine du CSM.
Dans chaque formation compétente pour les nominations, les huit membres non magistrats siègent aux côtés de sept membres magistrats, dont quatre issus de la hiérarchie judiciaire. Les trois autres membres magistrats de chaque formation sont ceux que vous allez élire. D’où l’absolue nécessité de donner votre voix pour que le pluralisme existe au sein du petit contingent représentant les magistrats de terrain !
La présence majoritaire des personnalités extérieures – malgré un mode de désignation encore insatisfaisant – limite cet entre- soi dans les nominations. La magistrature n’est pas pour autant représentée dans toute sa diversité en l’état actuel de la composition du CSM et du mode de scrutin.
« Pour favoriser l’ouverture et la diversité des représentants des magistrats siégeant au CSM, l’élection de ceux-ci au scrutin de liste national avec une répartition des sièges à la proportionnelle au plus fort reste mériterait d’être envisagée. Cette perspective a recueilli l’adhésion d’une majorité du comité.
De même, la nomination des personnalités extérieures est indispensable et devrait être approuvée au terme d’une procédure spéciale, par exemple, une majorité qualifiée des commissions des lois des deux assemblées »
Notre analyse :
Le SM revendique depuis longtemps l’instauration d’un scrutin direct, proportionnel et ouvert à tous, pour qu’enfin toute la magistrature soit justement représentée. Sous l’impulsion de notre élu actuel, le CSM s’est enfin prononcé en faveur d’une telle réforme de même qu’il a, pour la première fois, affirmé que la majorité de membres communs était un choix vertueux, susceptible de limiter le corporatisme, l’apparence de corporatisme, ainsi que les effets pervers de l’entre-soi.
Concernant les membres communs, nous soutenons depuis
2017 leur nomination par les 3/5 du Parlement afin d’assurer la
confiance des citoyens.
« Le comité est attaché à ce qu’une part significative des membres magistrats émane de la hiérarchie judiciaire au motif que l’exercice préalable de fonctions de chef de juridiction ou de cour d’appel serait nécessaire pour pouvoir apprécier les qualités des candidats à de telles positions. »
Notre analyse :
Dans le prolongement de nos propositions sur l’évaluation à 360° des chefs de cour et de juridiction, nous pensons, au contraire du rapport, que les chefs de juridiction ne sont pas nécessairement les mieux placés pour apprécier les qualités des candidats à ces fonctions, sauf à entretenir et renforcer l’entre-soi que nous dénonçons. Par ailleurs, comment expliquer que sur les 14 magistrats que compte le CSM, 8 soient issus d’une hiérarchie qui ne représente que 10 % du corps alors que les magistrats ayant moins de cinq ans d’ancienneté, qui représentent plus de 20 % du corps, ne peuvent pas être grands électeurs ? Que dans 25 cours d’appel, soit les 2/3 des cours, les magistrats ne peuvent élire qu’un seul grand électeur, ce qui exclut toute représentation des syndicats autres que le syndicat majoritaire ?
Les juridictions sont en proie à une forte mobilité dont la cause tient notamment à la pénurie dans laquelle est maintenue l’institution. Outre plusieurs centaines de postes non pourvus, la chancellerie admet elle-même le sous-dimensionnement de la circulaire de localisation des emplois. Alors que la DSJ affirme vouloir encourager la mobilité fonctionnelle au même titre que la mobilité géographique, les exceptions aux principes édictés par la DSJ se multiplient, aussi bien pour endiguer un turn over jugé trop important que pour pourvoir des postes insuffisamment demandés. Il en résulte des ruptures d’égalité et des critères devenus totalement illisibles pour les magistrats, et ce malgré la consécration de la règle prétorienne des trois ans.
Le CSM a élaboré des propositions soutenues par nos élus, par exemple des mécanismes d’incitation financière ou une dispense de mobilité géographique pour le passage au premier grade dans les juridictions peu attractives.
Au siège, la motivation des avis non conformes, principe obtenu de haute lutte par notre élu en 2015, vise à restaurer des critères clairs, lisibles et identiques pour tous.
Le CSM a aussi constaté la désaffection pour les fonctions du parquet, qui a fait l’objet de travaux de l’IGJ auxquels le SM a contribué en proposant de nombreuses pistes d’amélioration. La conception à géométrie variable de la DSJ quant aux incompatibilités lors du passage du parquet au siège crée des ruptures d’égalité que le SM veille à gommer, évitant une approche trop rigide de ces incompatibilités.
Depuis fin 2017, la DSJ a sensiblement amplifié le profilage des postes pour lesquels les magistrats doivent faire un acte de candidature spécifique. Cette orientation a été mise en œuvre dans la précipitation, sans doctrine claire et sans dialogue préalable avec le CSM. Initialement, elle n’entendait pas prendre en compte les vœux des magistrats qui avaient déjà « coché » ces postes sans candidater à nouveau spécifiquement sur l’appel à candidature. Sur notre insistance, la DSJ a été contrainte de modifier sa pratique sur ce point.
Nous avons critiqué, au CSM et à la DSJ, les dérives produites par le profilage des postes. Nos élus ont été moteurs afin que le CSM joue son rôle de contrôle, en obtenant de la DSJ que lui soient remises les fiches de poste, les actes de candidatures et que soient mis en évidence, dans les circulaires de transparence, les postes profilés. Le CSM, répondant à nos interpellations, a ainsi élaboré une liste de postes pour lesquels il accepte de considérer comme valide le profilage, prononçant des avis non conformes à défaut, la forte représentation des fonctions pénales demeurant l’objet de notre attention.